Au cœur des origines

Au Honduras, le choix d'un sourcing responsable pour un pays confronté à de nombreux défis

Rachel responsable achats Café Vert et relations producteurs

Ingénieure agronome spécialisée en développement agricole, et diplômée SCA, j’assure les achats de café vert et le suivi des filières Lobodis dans 13 pays, répartis entre l’Amérique latine et l’Asie du Sud-Est, en passant par la Corne de l’Afrique. Entre déplacements sur le terrain à la rencontre des producteurs, et coordination de projets depuis Bain-de-Bretagne, j’engage mon énergie à la pérennisation de nos partenariats en origine et au renforcement des systèmes agricoles vertueux, sur les plans environnementaux comme sociaux !

ExpertiseMétierHonduras

Après, un premier déplacement d’introduction au Pérou en janvier 2024, j’ai rechaussé mes bottes en mars dernier, en direction du 1er pays producteur de café d’Amérique centrale : le Honduras. Avec plus de 5,5 millions de sacs produits sur la dernière récolte, le café est la matière première agricole la plus exportée du pays, devant les produits de la mer, l’huile de palme, et les bananes. Après 12h de vol, 5h de route et des nuits écourtées, je suis arrivée dans la région de « l’Occidente », plus précisément dans le département de Copan où j’ai rencontré notre coopérative partenaire : Capucas Cocafcal.

Capucas Cocafcal, un partenaire exemplaire du Sourcing de Lobodis

Un café tracé et de qualité !

Je me suis rendue dans la région de Copan, où le café est produit entre 900 et 1600m d’altitude. Cette région fait partie des plus grandes productrices de café, reposant sur une majorité de familles regroupées en organisations de producteurs.
Située au lieu-dit « Las Capucas », la coopérative fidélise plus de 970 producteurs en leur achetant le café sous forme de cerises. Elles sont alors dépulpées et les grains de café sont lavés, séchés et triés sur place, pour être ensuite acheminés jusqu’au port. Ainsi, Capucas maitrise toutes les étapes jusqu’à l’exportation, ce qui nous garantit une traçabilité optimale du café !

Espace de séchage mécanique du café… espace de séchage solaire du café sur le site de Capucas

En grande partie grâce aux primes du commerce équitable, Capucas investit pour accompagner ses membres à diversifier leurs productions, gérer les sols, la fertilisation et la rénovation des plants de café durablement, ou encore entretenir finement l’ombrage des arbres. Au cours des dernières années, les producteurs ont ainsi nettement amélioré la qualité de leur café, leurs rendements, et par conséquent leurs revenus ! 

Par ailleurs, depuis la hausse du prix minimum Fairtrade entrée en application en août 2023*, les acheteurs ont freiné leurs approvisionnements de café certifié commerce équitable, ce qui risque de se répercuter en 2024 sur une baisse des volumes vendus à prix juste.
Ainsi, malgré leurs efforts pour obtenir cette certification, les coopératives devront vendre une partie leur café certifié en « conventionnel », c’est-à-dire au prix du marché, sans toucher de prime. Si cette situation se prolonge sur le long terme (2024-2025), cela pourrait déstabiliser fortement les organisations certifiées.

Cette visite de terrain m’a ainsi permis de conscientiser le poids que peuvent avoir des décisions d’achat sur le devenir d’une coopérative engagée : acheter Fairtrade, c’est soutenir un modèle fragile, mais extrêmement vertueux, car bénéfique pour la viabilité économique de centaines de producteurs.

*  Le prix minimum du café a augmenté de 0,9 $/kg depuis août 2023.

 

 
Etang de pêche sur le site de Capucas pour soutenir la diversification des revenus.
Production de miel sur le site de la coopérative et plantation de bananiers en association avec des caféiers

L'agroforesterie comme modèle prédominant

Comme nous l’expliquions dans un précédant article, de nombreux producteurs de la coopérative se trouvent dans la zone tampon du parc national de Celaque. Cette réserve naturelle de 25 000 ha abrite de nombreuses espèces endémiques*, une biodiversité extrêmement riche, et constitue une réserve d’eau essentielle pour l’ Occidente. Les producteurs de la région ont conscience de la nécessité de préserver cet environnement fragile, essentiel à la survie de leur activité agricole. Ainsi, Capucas accompagne ses producteurs pour la mise en place de pratiques durables, marquée par l’acquisition de certifications (BIO, Bird-friendly,…), mais aussi et surtout via la promotion de systèmes agroforestiers. 

La totalité des producteurs sont accompagnés par des techniciens de la coopérative pour assurer l’entretien des parcelles sous ombrage, afin de préserver l’environnement tout en maintenant de bons rendements. Le choix d’essences fruitières ou à bois d’œuvre permettent de diversifier les revenus ; l’ombrage maintient l’humidité en saison sèche et garantit une maturation plus lente et de qualité aux cerises de café ; l’abondance de feuillage qui tombe au sol constitue une barrière à la pousse de mauvaises herbes… La liste de bénéfices associée à l’agroforesterie est encore longue, il faudrait y dédier un article entier !

* Espèces (animales ou végétales) présentes naturellement sur un territoire donné

Parcelle de café en agroforesterie… et visite d’une parcelle de café et récolte de quelques cerises manuellement, avec des membres de la coopérative Capucas.

Au Honduras, des enjeux majeurs questionnent le devenir de la filière café

Flux migratoires et manque de main d’œuvre

Tout comme ses voisins d’Amérique centrale, le niveau de pauvreté élevé et l’insécurité associée au trafic de drogue constituent des motivations aux départs massifs de Honduriens vers l’Eldorado américain. Les personnes qui quittent le pays partent à la recherche d’un travail plus rémunérateur, dans le but d’améliorer les conditions de vie de leur famille. C’est ainsi que dans le paysage rural, j’ai observé se côtoyer des maisons délabrées construites de matériaux primaires, à des maisons gigantesques, colorées et avec colonnades, symboles marquants de la recherche d’un mode de vie occidental confortable.

Ces émigrations d’ampleur ne sont pas sans conséquences sur les dynamiques agricoles, et a fortiori sur la production de café. En effet, ces départs sont à l’origine d’une baisse drastique de main d’œuvre saisonnière, pourtant indispensable durant les périodes de récolte, où il faut être rapide pour éviter des pertes de rendement. De plus, le secteur du café est caractérisé par une population vieillissante, qui manque d’attractivité pour les jeunes, car peu rémunérateur vis-à-vis d’autres secteurs d’activité. Néanmoins, en comparaison avec d’autres pays d’Amérique Centrale, l’institut hondurien du café (IHCAFE) et l’accès à des marchés de spécialité créent une dynamique favorable au maintien des jeunes.

 

Intensification du changement climatique et baisse des rendements

Le climat du Honduras se caractérise par une saison pluvieuse de mai à octobre, et une saison dite sèche sur le reste de l’année, où les pluies se font rares. A la fin de la saison sèche, les premières pluies sont cruciales puisqu’elles donnent le départ à des cycles de floraison, où chaque fleur donne une cerise (fruit du café). Cependant, ces dernières années, en raison du changement climatique, les saisons sèches ont tendance à se prolonger, retardant l’arrivée des premières pluies, et donc l’éclosion des fleurs. Si les pluies arrivent trop tardivement, cela peut entrainer un stress hydrique trop important pour le plant de café, qui donnera alors beaucoup moins de fleurs, donc moins de café.

A ces dérégulations de pluviométrie s’ajoute une hausse de la moyenne des températures. Ainsi, il devient de moins en moins possible de cultiver en basse altitude, où les températures atteignent des niveaux trop élevés pour être supportées par les plants de café.  De plus, la hausse des températures favorise le développement de maladies et insectes qui s’attaquent aux plants de café, et impactent négativement les rendements.

Bien entendu, accompagnés par les coopératives, les producteurs réagissent à ces phénomènes en adaptant leurs pratiques de production : plantation à de plus hautes altitudes pour trouver de la fraicheur, choix de variétés résistantes aux maladies, culture sous ombrage pour garder de l’humidité en saison sèche… Mais pendant combien de temps ces solutions seront-elles efficaces ? 

Fleurs de caféier… Rénovation de parcelle extrêmement pentue, qui illustre la vulnérabilité des producteurs du fait des conditions géographiques. On imagine les effets additionnels du changement climatique…

Qualité du café hondurien : toute une histoire !

Si le café a été introduit dès la fin du 18e siècle, avec des productions initialement basses et de qualité moyenne, ce n’est qu’à partir des années 1950 que le gouvernement commence véritablement à soutenir la filière. Avec la hausse de la production dans les années 70, l’IHCAFE est créé, un institut national ayant pour ambition d’améliorer les infrastructures et de surveiller la qualité du café, par exemple via l’introduction de nouvelles variétés résistantes aux maladies. La réputation du café hondurien s’est nettement améliorée dans les années 90, avec l’introduction d’une taxe gouvernementale sur la production, dont les retombées ont été une amélioration de la qualité du café, donc son prix de vente.

Aujourd’hui, le Honduras propose quasi exclusivement des Arabicas d’altitude (> à 900 m). Au-delà de 1300m, le café est réputé pour sa qualité d’exception, où se trouvent des terroirs uniques qui confèrent des profils aromatiques doux, des notes chocolatées et caramélisés, ainsi que du corps aux cafés. En raison de sa géographie et de sa géologie, il existe une grande diversité de terroirs au Honduras ; on distingue alors 6 régions principales productrices de café, dont celle de Copan au Nord-Ouest du pays, à la frontière du Guatemala et du Salvador.

À présent responsable du suivi des filières café chez Lobodis, c’est avec un immense enthousiasme que je prends le relais de Maud, en partant à la rencontre des fournisseurs de café Lobodis !
Par l’intermédiaire de mes rencontres et de mon jeune regard d’agronome, je vous promets, chers amateurs et amatrices de café, une immersion aux confins des régions montagneuses, où des milliers de producteurs cultivent, et vivent du café.